"L’arithmétique cognitive est un domaine de la psychologie cognitive qui s’intéresse aux processus mentaux sous-tendant le traitement des quatre opérations élémentaires que sont l’addition, la soustraction, la multiplication et la division. La plupart des travaux de ce domaine concernent la résolution mentale de telles opérations et c’est la raison pour laquelle nous nous référons plus communément à l’arithmétique cognitive par le terme de calcul mental.
Pour ce numéro d’A.N.A.E. entièrement consacré à ce domaine, nous avons demandé à certains des meilleurs spécialistes francophones d’exposer les problématiques et les résultats les plus importants liés aux questions qu’abordent leurs recherches et aux exploitations auxquelles elles peuvent conduire dans le champ de la pratique.
Tout d’abord, Xavier Seron et Virginie Crollen se demandent si l’utilisation des doigts dans les activités numériques constitue une étape nécessaire du développement des habiletés arithmétiques, une question que la recherche fondamentale explore depuis plusieurs années et dont les réponses pourraient contribuer à améliorer les performances des élèves, notamment à l’interface entre l’école maternelle et l’école élémentaire. Mathieu Guillaume se pose quant à lui la question du rôle des compétences numériques non-symboliques dans ce développement. Là encore, la question soulevée pourrait apporter des éclairages quant aux interventions précoces à mener auprès des jeunes enfants. Les travaux conduits au cours des trois dernières décennies font clairement apparaître l’existence d’un sens des quantités qui s’affine sous l’influence à la fois de la maturation et de l’expérience, notamment scolaire. Il est donc crucial de se demander s’il faut chercher à améliorer les performances précoces à travers des activités non symboliques ou bien s’il vaut mieux attendre l’acquisition des systèmes symboliques pour induire une telle amélioration. Bruno Vilette précise cette question en s’intéressant spécifiquement au rôle de l’estimation numérique.
Alice de Visscher propose ensuite un modèle permettant de rendre compte des phénomènes d’interférences lors du traitement des multiplications et avance donc une explication à la plus grande difficulté de certains problèmes par rapport à d’autres. Ce phénomène, connu depuis les années 90, reste peu étudié alors que ses conséquences sont importantes autant pour les apprentissages typiques que pour l’identification et la remédiation des troubles.
Nicolas Masson expose ensuite les relations qu’entretiennent nombre et espace et montre que la résolution d’opérations peut induire des déplacements attentionnels sur une ligne horizontale. Ces déplacements sont également évoqués par Catherine Thevenot pour décrire des procédures de comptage inconscientes qui pourraient être mises en œuvre par les enfants experts et les adultes lors d’additions très simples. Ces deux contributions conduisent à s’interroger sur le caractère « incarné » (embodied) des activités arithmétiques et sur les conséquences de celui-ci pour les apprentissages et les interventions. Les stratégies de résolution et leur développement font également l’objet de l’article de Patrick Lemaire, cette fois-ci pour les opérations complexes portant sur des nombres à plusieurs chiffres. Ces stratégies amènent à passer de l’étude de processus souvent inconscients à des procédures guidées volontairement et cherchant à optimiser les performances en recourant à des analyses des caractéristiques des opérations et des circonstances présidant à leur traitement.
Dans l’article suivant, Alexandre Poncin, Amandine Van Rinsveld et Christine Schiltz exposent les processus cognitifs à l’œuvre dans le traitement de problèmes arithmétiques par les bilingues. Ce thème, largement ignoré, préoccupe aujourd’hui plusieurs équipes de recherche. Cela tient d’une part aux populations vivant en milieu polyglotte et, d’autre part, à l’arrivée d’immigrants devant acquérir une langue nouvelle, en particulier pour apprendre les mathématiques. La question est ici de déterminer les conséquences de cette acquisition et la façon de procéder pour assurer les meilleures réussites.
Anne-Françoise de Chambrier s’intéresse quant à elle aux troubles du développement de la construction des savoirs, concepts et savoir-faire numériques et décrit ainsi la dyscalculie et ses multiples manifestations. Ce thème, largement ignoré jusque voici peu, si on le compare à celui de la dyslexie, accapare l’intérêt des politiques. Le souci de favoriser l’émergence de citoyens ayant une culture scientifique et technique oblige à chercher des modes d’intervention permettant de prévenir les difficultés de manière à éviter l’installation de troubles et à mettre en place des remédiations. Des difficultés individuelles très répandues font également l’objet de l’article de Michel Fayol qui expose les travaux relatifs au sentiment d’anxiété que manifestent de nombreux enfants et adultes lorsqu’ils sont confrontés à des tâches arithmétiques ou mathématiques. Cette anxiété empêche leur réussite alors que son traitement apparaît à la portée des interventions soit préventives soit curatives, même si les recherches doivent se poursuivre.
Enfin, Emmanuel Sander montre que lors de la résolution de problèmes arithmétiques verbaux, les phases de compréhension des textes des énoncés et d’application des procédures de calcul ne se succèdent pas mécaniquement mais que des interactions permanentes entre les composantes mathématiques et non-mathématiques des problèmes permettent aux individus de s’en construire une représentation mentale guidant leur résolution et leur acquisition de nouvelles notions. Intervenir sur cette représentation mentale soit en modifiant les formulations des énoncés soit en initiant les élèves à des stratégies de traitement constitue des voies fécondes d’amélioration des performances.
Les recherches issues de l’approche cognitive de l’arithmétique ont contribué à démystifier la conception traditionnelle selon laquelle le monde se partagerait entre « bons » et « faibles » en mathématiques. Les résultats des travaux ont mis en évidence l’hétérogénéité des troubles et celle des capacités chez le même individu. Il s’est ensuivi un intérêt encore présent pour d’une part, l’élaboration d’instruments d’évaluation permettant de détecter les sources de difficultés et, d’autre part, la création encore trop insuffisante de dispositifs d’interventions dont les effets devraient être évalués. Pour aller plus loin et poursuivre dans la voie déjà bien avancée, il est indispensable d’assurer la diffusion auprès des professionnels des connaissances acquises et d’inciter à la collaboration entre chercheurs et praticiens en vue de construire et tester des modalités d’intervention. L’ambition de ce numéro était et reste de contribuer à ce double objectif."
"Dans ce livre, les concepts théoriques de la psychologie cognitive sont envisagés comme des outils pour questionner, penser ou repenser les pratiques d'enseignement des langues étrangères en milieu scolaire.
Comprendre les activités cognitives des apprenants dans la classe de langue permet l'analyse des activités de classe non pas à travers les caractéristiques apparentes des tâches, mais à travers la nature des activités cognitives sous-jacentes, qui sont supposées conduire à l’acquisition de la langue-cible. Cette analyse permet d’identifier des leviers didactiques pour la classe de langue.
L'ouvrage propose de considérer les concepts théoriques de la psychologie cognitive comme des outils pour questionner, penser ou repenser à la fois les pratiques d'enseignement des langues étrangères en milieu scolaire, mais aussi certaines théories de l'acquisition qui sous-tendent la didactique des langues. Il aborde quelques grands thèmes tels que le rôle du guidage et de l'attention, la théorie de la charge cognitive, la compréhension de l'oral, le potentiel des supports vidéo, puis des outils numériques, et enfin le vif débat actuel autour de la possibilité d'apprendre un contenu disciplinaire enseigné dans une langue étrangère."
Aprés avoir analysé l'idée même de "compétence transversale", l'auteur revient sur l'usage pédagogique que peuvent faire les enseignants de cette autre façon d'aborder les savoirs : il ne suffit pas qu'un élève possède une compétence particulière pour qu'il l'utilise à bon escient. Il faut surtout que le "sens" qu'il attribue à cette situation lui permette d'envisager de mettre en oeuvre cette compétence. Et c'est dans l'accompagnement de son élève que l'enseignant a l'opportunité d'offrir cette ouverture d'esprit.
Cet article examine les propositions théoriques de trois auteurs, psychologues qui ont influencé le milieu de la didactique des mathématiques. Leurs trois approches s'inscrivent dans des perspectives théoriques et dans des problématiques assez différentes dont l'intérêt pour la didactique mérite d'être discuté.